Neo Dan: Obou Gbais

15 Mai - 29 Juin 2024
Fidèle à un attachement profond pour ses racines, Obou Gbais mêle, au fil de ses expositions, les marqueurs forts de la culture Dan à une touche résolument moderne, pop et séduisante. Avec Neo Dan, les traits du masque Dan se voient animés d’une énergie nouvelle, d’une grande vitalité.
 
Obou rend hommage à l’idéal du sculpteur, qui, méticuleusement, ajuste chaque ornement sur la pièce qu’il confectionne et cherche ainsi à satisfaire sa quête de perfection. Inspiré par les femmes Dan, réputées pour la délicatesse de leurs traits, l’impossibilité de retranscrire la vitalité d’un visage le renvoie pourtant à la vanité de sa quête.
 
Le masque s’affirme à mesure que l’artiste murit. Plus assuré, plus expressif, moins figé, il prend vie, et se nourrit des expressions et des passions de celui qui le porte. Ce masque Dan, dont la fonction originelle n’est ni d’effrayer ni de rendre justice, mais bien d’accueillir et souvent d’émerveiller, trouve un nouvel élan dans cette expressivité qui l’anime. La répétition des motifs géométriques, hommage à son père, professeur de mathématiques, accompagne les plis des “sapes”, comme il se plaît à les appeler, du mouvement troublant d’une illusion d’optique.
 
A l’instar de ce masque festif, les toiles sont une invitation à une danse plus contemporaine. Jonglant constamment entre ses racines traditionnelles et son implication dans le développement d’une culture contemporaine ivoirienne et métissée, Obou mélange spontanément différentes sources d’inspiration.
 
Car Obou est partout. Sur les murs et sur les réseaux, dans les quartiers et dans les musées. Cette accessibilité, portée en étendard, sa popularité, vont de pair avec son identité plastique. Peinture, sculpture, dessin, musique : chaque support est l’occasion pour lui d’être un passeur, entre la culture qui l’a forgé et celle qu’il a adoptée.
 
Ainsi animé, le masque navigue finalement entre sa capacité à retranscrire une émotion et le risque de verser dans la caricature. La spontanéité et l’expressivité, si caractéristiques du travail d’Obou, servent alors son désir de traduire l’intensité de la vie intérieure, de faire transparaitre des émotions puissantes à travers des expressions marquées, comme si, finalement, les masques tombaient.
 
En s’appropriant les codes du portrait néoclassique européen, Obou s’inscrit dans une longue tradition de peintres dont la pratique était dictée par la retenue des émotions et le rejet de la représentation des passions de l’âme. L’artiste, pourtant, se défait des limites inhérentes à sa propre pratique, et exploite toute la liberté que lui confère l’humanisation du masque. En réinjectant une essence de vie dans ses traits, ce n’est plus un mais mille masques, et autant d’émotions qui s’en échappent.
 
Pousser l’expressivité jusqu’à la déformation des traits, jusqu’à la grimace, confère au masque un nouveau pouvoir : l’éveil à soi. Grâce à l’étrangeté de ces figures hautes en couleur, Obou joue avec l’empathie naturelle du spectateur. Le masque est proche, si proche que par mimétisme, celui qui le regarde reproduit instinctivement la déformation de cette bouche, le plissement de cet œil, le froncement de ce nez. La relation ainsi établie, les “grimasques” ne sont plus seulement la représentation de l’intensité des passions. Elles révèlent le pouvoir communicationnel du visage par la richesse de ses expressions, de ses variations et de ses déformations.
 
Immersive, l’exposition Neo Dan promène le public d’émotions en émotions, témoin de la virtuosité de ce peintre haut en couleurs.