Métamorphoses: Claudie Titty Dimbeng

20 Novembre 2025 - 17 Janvier 2026
 
MÉTAMORPHOSES
 
La série Métamorphoses est le fruit d’une résidence d’artiste effectuée à l’École Supérieure des Arts Plastiques et du Design (ESAPAD) de l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC) d’Abidjan, en juillet et août 2025. J’ai vécu cette expérience comme une boucle en écho à ma 1ère exposition à Abidjan en 2013, à mon enfance, aux thèmes de mon travail de recherche qui s’articule autour de la spiritualité et la culture de mes origines, et au Vohou-Vohou, une des inspirations de ma technique de peinture, le Mixed Art Relief.
 
En effet, le titre de ma 1ère exposition, Retour vers le Futur, consacrait, depuis Paris où je vis, un travail sur mes origines pour mieux comprendre d’où je viens, me construire et avancer à partir de cette base, et l’INSAAC offrait un cadre propice à ma créativité. J’étais accueillie chaque jour par l’immense espace de gazon parfaitement tondu, contrastant avec les grands arbres et les herbes sauvages, signe de la puissante présence de la nature aux origines de la spiritualité Akan.
 
Les vibrations des djembés sur lesquels les étudiants exécutaient des danses traditionnelles me renvoyaient aux cours de danse que je prenais en 1976 dans cette même école qui était aussi un centre culturel et s’appelait alors l’INA (Institut National des arts). Mes cours de danse étaient un moyen d’expression à travers le corps de l’enfant que j’étais, tandis que le son des Djembés signifiait un retour aux sources patrimoniales de ma culture via la célébration d’une étape clé de la vie, et aujourd’hui par analogie, celle de mon parcours artistique.
 
Tout cela résonnait en moi avec émotion car c’est là, dans cette institution qu’est né le Vohou-Vohou, dont je représente la 2ème génération selon Michel Micheau, le curateur de l’exposition Vohou-vohou à l’église Saint-Merri à Paris en 2014, à laquelle j’ai participé aux côtés de Kra N’Guessan et Youssouph Bath, 2 co-fondateurs du mouvement. Pour Alicia Knock, conservatrice pour la création contemporaine et la prospective au Centre Pompidou, la classification du Mixed Art Relief s’inscrit manifestement dans une période post-Vohou.
 
Pendant cette résidence, les journées à l’atelier étaient ponctuées d’échanges avec des professeurs, des artistes et des étudiants, sur le thème de ma série en cours et mon processus créatif qui est un principe aléatoire. C'est une démarche qui part du néant de la toile pour évoluer vers des formes, en passant par des ajustements à travers une remise en question et une transformation permanente autour d’un dialogue entre mon œuvre et moi pour un épanouissement mutuel.
 
Ce processus débouche alors sur l’œuvre, une métamorphose, un changement de forme ou de structure après l’éclosion ou la naissance, origine et essence de la vie selon le principe biologique. La toile est par conséquent une évocation de l'indicible, qui n’est autre que la réalité de la vie dans le chaos et le devenir que l’on peut interpréter à travers le lyrisme d’un récit visuel, le dicible, un lien entre les vivants et les ancêtres, à l’image de la spiritualité Akan.
 
En effet, cette série représente les 13 métamorphoses qui décrivent les étapes du voyage vers soi-même, avec comme dernière toile, l’ultime "Métamorphose", la capacité de vouloir que chaque instant de sa vie, dans ses moindres détails, se répète éternellement. La Kômian, médiatrice entre les mondes visible et invisible, incarne cette ultime métamorphose à travers la réactualisation du passé de manière cyclique et mémorielle, afin d’aider la communauté à accepter et surmonter son destin en convoquant les esprits et les ancêtres.
 
Cette exposition est un point culminant du dialogue intellectuel, conceptuel, et artistique que j’ai depuis mes débuts avec mon mari, Alain, qui n’est pas artiste, mais dont la pensée a été influencée par des concepts philosophiques. Ce dialogue a permis la création d’une œuvre à 4 mains : une série de photographies performatives ou je me mets en scène pour la première fois. Son œil extérieur derrière l’objectif capture le moment où le tapa devient une peau rituelle qui fait écho aux statuettes funéraires et tisse un lien entre l’humain, le végétal et les ancêtres.
 
Enfin, un duo de portraits d’ancêtres fictifs, créé à partir de toiles originales retravaillées en négatif numérique, vient clore ce parcours. Ces visages sans regard, composés de nervures et d’éclaboussures, rendent hommage à ceux dont l’image n’existe plus, mais dont le souffle persiste.
 
DIMBENG
Paris, Novembre 2025