(Yafil Mubarak, Commissaire de l'exposition)"La vie, à l’image de l’océan, ondule au rythme inlassable de la joie et de la perte, de l’espoir et de la détresse."
Waves of Sorrow
La vie, à l’image de l’océan, ondule au rythme inlassable des joies et des pertes, de l’espoir et de la détresse. L’exposition Waves of Sorrow vous invite à naviguer dans les eaux tumultueuses de l’existence humaine, vues à travers le regard de deux artistes soudanais : Rashid Diab, grand maître de la couleur, dont l’œuvre retrace migrations et conflits, et Dar Al Naim, artiste d’une génération plus jeune, qui dissèque l’identité et la condition humaine. Ensemble, ils explorent la douleur née des ravages de la guerre et du déracinement — qu’il s’agisse d’épreuves physiques ou de tourments intérieurs —, nous livrant ainsi une vision multigénérationnelle du deuil, de la résilience et de la fragilité qui nous lie à notre terre natale et à notre identité.
Pour Rashid Diab, la peine se traduit dans l’espace, dans une tension entre le chaos et l’équilibre éphémère. Ses toiles lumineuses, où des femmes revêtues du toub traditionnel (vêtement soudanais) traversent des paysages imprégnés de douceur, évoquent la force silencieuse qu’elles déploient face aux traumatismes de la guerre. Figures centrales et porteuses de valeurs familiales, ces femmes incarnent une survie discrète, faite de résilience émotionnelle. Diab, avec sa série « Out of focus », les montre comme des voyageuses éternelles, suspendues entre passé, présent et l’inconnu de l’exil.
À l’opposé, l’univers de Dar Al Naim est une éruption de formes et de couleurs. Dans des compositions intenses où l’abstrait côtoie le figuratif, l’artiste laisse émerger des silhouettes chargées de tension et d’interrogations sur l’identité. Chaque visage, chaque forme, semble contenir une souffrance en mouvement, oscillant entre le sentiment d’appartenance et l’errance universelle. La palette électrique de Dar Al Naim reflète la tempête intérieure d’une âme en quête de sens, interpellant le spectateur : ressentir au lieu de se contenter de regarder.
Bien que leurs démarches diffèrent — l’un recherchant l’harmonie dans le tumulte, l’autre creusant davantage le désordre pour faire jaillir la vérité —, Rashid Diab et Dar Al Naim partagent la même tristesse envers une patrie déchirée par la guerre. Au-delà des histoires personnelles, c’est un chant de douleur collective face à la fragilité des liens humains et à la violence qui les brise.
Toutefois, au sein de cette souffrance se dégage aussi une réflexion profonde sur la résilience. Chez Rashid Diab, la force se tisse dans la délicatesse, portée par des femmes avançant avec grâce malgré l’épreuve. Chez Dar Al Naim, elle jaillit d’une rébellion créative, d’une quête d’identité irrépressible, même lorsque tout s’écroule.
Ensemble, leurs œuvres décrivent le chagrin tel une vague, une force qui déforme, use et transforme, mais aussi une impulsion porteuse d’art et de renouveau. À l’instar des vagues, la tristesse détruit autant qu’elle renouvelle, nous laissant ces créations en héritage : un langage visuel capable d’affronter l’indicible.
À travers leurs toiles, Rashid Diab et Dar Al Naim ne nous livrent pas seulement un reflet du chagrin, mais une invitation : plonger au cœur de cette tempête, affronter son chaos, et y puiser peut-être les graines d’une compréhension nouvelle, d’une empathie et d’un espoir commun.
Yafil Mubarak
Commissaire de l'exposition